ALERTE SDTM-CI RACHÈTE UNILEVER CI
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L’ARCC FACE À SON PREMIER DÉFIE 
La CEDEAO a instauré un régime de contrôle des concentrations qui est mis en œuvre par l’Autorité Régionale de la Concurrence ARCC. L’ARCC est devenue officiellement opérationnelle le 1er octobre 2024, date à laquelle les membres du Conseil, organe décisionnel ont prêté serment devant la Cour de justice de la CEDEAO. Le Règlement n° C/REG.23/12/21 en date du 10 décembre 2021 portant règles de procédure en matière de fusions et acquisitions au sein de la CEDEAO a mis en place un régime de contrôle ex ante des opérations de concentration mis en œuvre par l’ARCC alors que les concentrations au sein du Marché Commun de la CEDEAO étaient jusqu’alors appréhendées uniquement sous l’angle des abus de position dominante.
Conformément au Règlement d’exécution n°1/01/24 de janvier 2024 portant manuels de procédure de l’ARCC sur les seuils de fusions et acquisitions, ce nouveau régime est applicable à toute opération de concentration lorsque d’une part, les parties concernées sont présentes dans au moins deux Etats Membres de la CEDEAO et d’autre part, l’opération franchit l’un des deux seuils alternatifs suivants :
     ✓ Le chiffre d’affaires ou tout élément pertinent du bilan (le montant le plus élevé étant retenu) des parties à l’opération est supérieur à 20 millions d’unités de compte CEDEAO au sein de la CEDEAO, soit 24,58 millions d’euros (une unité de compte est équivalent à 1,2291 euro au 30 octobre 2024), ou
     ✓ Le chiffre d’affaires d’au moins deux des parties à l’opération ou tout élément pertinent du bilan (le montant le plus élevé étant retenu) est supérieur à 5 millions d’unités de compte CEDEAO au sein de la CEDEAO, soit 6,14 millions d’euros.
A noter que, selon l’ARCC, le critère des deux Etats Membres est rempli même si l’entreprise cible est présente dans un seul État Membre, dès lors que l’acquéreur est lui présent dans un ou plusieurs autres État(s) Membre(s). Et c'est bien le cas en ce qui concerne la groupe SDTM-CI (Société de Distribution de Toutes Marchandises en CI). Cette entreprise est leader dans la distribution en gros de produits alimentaires et divers. Mais surtout leader dans l'importation et la distribution du riz. SDTM-CI est classé 4ème entreprise de Côte d'Ivoire.
Les eaux minérales Awa et Celeste; les concentrés de tomates, les petits pois et les pâtes alimentaires Alyssa; le lait entier, demi écrémé, et le lait en poudre Laity; le riz Rizière. Leader donc dans le riz et acteur de poids dans la farine et les pâtes, le groupe fondé par l'ivoiro-libanais Ibrahim Ezzedine vient de conclure un accord avec UNILEVER pour la cession intégrale de sa participation dans sa filiale ivoirienne. SDTM, déjà acteur majeur de la grande distribution en Côte d'Ivoire, filiale du conglomérat Carré d'Or va détenir 99,78 % du capital social et des droits de vote de Unilever Côte d'Ivoire, selon le communiqué paru hier. 
En 2023, Unilever CI affichait un résultat net positif de 640 millions FCFA, après une lourde perte en 2022. Le chiffre d'affaires atteignait 34,7 milliards FCFA, loin des 80 milliards FCFA de chiffre d'affaires en 2011. C'est donc une entreprise en difficulté que SDTM-CI rachète mais malgré tout, c'est une entreprise qui produit des biens de consommation de grande et/ou de première nécessité. On peut citer la mayonnaise Calvé, la lessive Omo, ou encore, le dentifrice Signal. SDTM compte bien relever ce défi industriel et commercial majeur, mais aussi c'est une opportunité de renforcer sa position ultra dominante sur le segment des biens de grande consommation.  
En 2022, Carré d'Or avait acquis la concession des marques Coca-Cola en Côte d'Ivoire, et pour 11 milliards FCFA, la marque d'eau minérale historique Awa, renforçant ainsi son positionnement sur un marché dominé par sa propre marque, Céleste. En 2023 SDTM a lancé dans la construction d’un complexe agroindustriel sur un site de 5 000 hectares mis à disposition par le gouvernement ivoirien dans le cadre d’un bail de location de terres. Cette installation sera dédiée à la production, la transformation et la commercialisation de cultures vivrières telles que le maïs, le soja, le manioc ou encore le sorgho. 
Toutes ces entreprises et tous ces projets participent au développement de la Côte d'Ivoire, créent des emplois et génèrent des recettes fiscales importantes pour l'État, les impôts étant la principale source de revenus de la Côte d'Ivoire. On peut donc aisément comprendre que le gouvernement accompagne ce groupe dans son développement. Mais ici deux notions importantes sont à analyser : la souveraineté alimentaire et l'abus de position dominante. En ce qui concerne la souveraineté alimentaire, le groupe Carré d’Or est devenu en Côte d'Ivoire une entreprise critique. Cela signifie que l'interruption volontaire ou involontaire de ses activités va immédiatement entraîner de très graves dysfonctionnements dans la chaîne alimentaire de toute la Côte d'Ivoire.
Une entreprise qui est leader dans des produits de grande consommation tel que le riz, les pâtes alimentaires, l'eau minérale, la tomate concentrée, le lait en poudre, la farine de blé (pain) et qui accumule la concentration verticale et horizontale d’une large gamme de produits alimentaires dont des activités sur le segment de l’huilerie; et qui s'implique désormais dans la production agricole de manioc, soja, maïs, sorgho doit, avant cette acquisition de UNILEVER passer par le régime de contrôle de concentration de la CEDEAO qui prévoit un principe d’effet suspensif selon lequel l’opération ne peut être mise en œuvre avant l’obtention de la décision d’autorisation.
Le Directeur exécutif de l’ARCC , tout juste installé dispose d’un délai de 60 jours ouvrés (qui peut être prolongé de 30 jours ouvrés maximum en cas de demande de complément d’informations) à compter de la réception de la notification pour faire une recommandation sur l’autorisation ou non de l’opération. Cette recommandation est transmise au Conseil de l’ARCC qui dispose à son tour d’un délai de 30 jours ouvrés (qui peut être prolongé de 15 jours ouvrés maximum en cas de demande de complément d’informations) pour autoriser ou non l’opération avec ou sans engagement.
Dans le cadre de son examen, l’ARCC vérifie si l’opération est de nature à réduire sensiblement la concurrence au sein du Marché Commun. Elle peut également tenir compte d’autres critères d’examen sortant du domaine de la concurrence, tels que la contribution de l’opération à l’intérêt public. La question qui devra être examinée est donc aussi de savoir s'il est d'intérêt public pour la Côte d'Ivoire, qu’un seul groupe fondé par un ivoiro-libanais détienne seul autant de denrées de première et grande nécessité qui ont directement trait à la souveraineté alimentaire. Si après examen de cette notion d’abus de position dominante, il est retenu que c'est bien le cas, et que par ailleurs la souveraineté alimentaire de la Côte d'Ivoire pose problème, l'État peut via la CNPS, ou encore le CDC-CI ses différentes fonds d'investissement, prendre la relève, aux côtés d'un consortium d'investisseurs locaux qui seraient backup par la BNI.
C'est une sorte d'ivoirisation de l'économie de la Côte d'Ivoire. l'Ivoirité sans complexe et assumée sur le plan économique qu'il faut enfin défendre. Sous l'appellation Ivoirocapitalisme, et le modèle africapitaliste nigérian prôné par les milliardaires en dollars Tony Elumelu, Dangote, Rabiu, dame Folorunsho Alakija etc, ce genre d'interventionisme de l'état devrait être la nouvelle norme afin de favoriser l'émergence des champions nationaux. Tous ces milliardaires au Nigeria sont nés de volonté politique et ont été boostés par les gouvernements en place les 20 dernières années. Et c'est de cela dont nous vous parlons ici régulièrement. 
Illustration : 2023 le ministre du commerce visitant des entrepôts SDTM-CI, une entreprise privée, afin de vérifier des disponibilités des stocks de cette seule entreprise, quant à l'approvisionnement en denrées alimentaires critiques pour tous les ivoiriens..Cette image qui se répète tous les ans et qui va encore plus se répéter avec ces nouvelles acquisitions concentration, pose un très sérieux problème de souveraineté au sens large du terme et, a y regarder de près, même un problème de dignité.
BLOG JEAN KONAN CRISTIAN